A comme « Allez, prends-ça dans ta gueule ! »

Incroyable mais vrai. Certains, fraîchement débarqués sur le monde du travail, n’ont jamais tenté d’imiter Drazic sur leurs rollers, jamais appris grâce au Docteur Carter qu’ «NFS, chimie et gaz du sang » pouvait sauver une vie, jamais fredonné le générique de MacGyver en ouvrant une boîte de conserve avec une cuillère. Mais où diable ont-ils bien pu passer leur adolescence, et surtout la tranche 18-20h de leur adolescence ? Derrière leurs ordinateurs ? Sur les terrains de sports ? A la terrasse des cafés, un Monaco en main ? Tristesse.

Mais plus incroyable encore, certains ne se sont pas vautrés de manière régulière sur leur canapé à l’entame du célèbre générique de l’Agence tous risques. Pas ou peu de souvenirs de Barracuda, la conviction qu’Hannibal est un type à l’alimentation malsaine et que Futé doit sans doute faire partie de la Patrouille des Castors. Scandaleuse ignorance ? Il convient cependant de rappeler que le quatuor de la A-team a débarqué en 1984 sur les tubes cathodiques tricolores. Les natifs de ces années-là auront donc un mal fou à vanter leurs « putains de souvenirs ! » de la bande à Smith, à moins d’être venus au monde dans un magasin Darty.

C’est donc dans une ignorance quasi-totale que certains membres du CAC ont découvert les dernières aventures de la A-Team, avec la désagréable sensation de ne pas très bien savoir où mettre leurs pieds. Difficile, pour une adaptation de série culte, de ne pas décevoir les accrocs, de ne pas tomber dans le plagiat sans relief ou la caricature à l’extrême des personnages déjà bien stéréotypés. Un boss, un gros bras, un malin et un taré, voilà une puissance 4 qui aurait pu rapidement tourner en rond. Mais Hannibal voulait un plan qui se déroule sans accroc. Il a réussi son coup.

Car la première heure de la A-team, pour reprendre les termes de Vinny, est d’une « pure excitance ». Pas une seconde de répit n’est accordé à un spectateur littéralement violé sur son canapé par une avalanche de situations, de cascades, de répliques bienvenues et de références sans lourdeur aux glorieux aînés. La scène d’introduction est notamment un modèle du genre, la premier plat d’un festin qu’il faut ingurgiter à vitesse grand V.

Mexique, Irak, Allemagne, la bande des quatre se payent un tour du monde à toute allure et nous offre le luxe d’une évasion en quatre temps. Les uns salueront le saut du camion de Baracus, les autres préfèreront la sortie d’asile de Looping qui démontre, preuve à l’appui, que le cinéma 3D n’est vraiment accessible qu’aux débiles. On s’arrêtera bien sûr quelques secondes sur le saut en tank libre des quatre compères. Chapeau messieurs, il fallait oser.

Dans la mêlée ou derrière l’écran, c’est tournée générale, à condition que chacun en prenne plein la gueule. La réalisation s’est ainsi tout permis pour livrer un véritable cartoon, où l’on ne s’étonnerait pas de voir Looping s’écraser sur le sol , avant de se relever du trou formé par sa silhouette avec des petits oiseaux tournant autour de sa tête.

Mais rien ne sert de courir trop vite. La deuxième partie souffre la comparaison face à sa devancière, inévitablement. Mais qu’importe, le ventre était déjà bien rempli (Vinny nous gratifiera d’ailleurs d’ici peu dans ces colonnes d’une explication approfondie de sa théorie de la porte qui se ferme).

Point de vue interprétation, si les profils sont clairement définis, le casting est réussi. Hannibal a beau être paternaliste, Liam a l’air d’avoir 20 ans. Looping a beau être fatiguant, Sharlto imite Braveheart à la perfection, Baracus a beau être primate, rien ne surclasse une Iroquoise, et Futé a beau être aussi infecte qu’un trader touchant sûr de son bonus, Cooper a tout de même une sacré gouaille. Torse bombé et sourire en coin, le journaliste-qui-a-toujours-un-train-de-retard de la série Alias a aujourd’hui deux coups d’avance. Un peu comme la mouture dans son ensemble, qui a sans doute compris que les stéroïdes d’un Hyper Tension, le minutage planifié d’un Mission Impossible et les impossibilités d’Elmer et Bip-bip peuvent faire bon ménage. Pari gagné. JBRien n’est moins sûr  L’action-hero, à défaut d’avoir un cerveau, doit-il également se priver d’abriter un cœur qui bat. Un cœur qui bat fort, et pas forcément pour enchaîner les roulades. Autrement dit, a-t-il le droit d’aimer ? Si certains membres émérites du Club argueront sans détours qu’une présence féminine et l’ensemble des gnangnanteries qui l’accompagnent sont bannies sans remise de peine ( Underworld III, Hard Boiled, ou Waterworld en attestent), force est de constater que la présence de Jessica Biel au générique de la A-Team n’a pas forcément de quoi déplaire. Son jeu neutre et sa plastique irréprochable sont un terreau favorable à l’épanouissement de Futé, sans tomber dans le sentimentalisme, et les relents vomitifs de « 7 à la maison » sont rapidement digérés. JCVD himself nous prouve la plupart du temps lors de ses sorties que le sexe faible, s’il est présenté sous le bon angle, a sa place au milieu des missiles. A condition, bien sûr, d’accepter de coucher boots aux pieds.

Sous les applaudissements  Trop de morts, trop de sang, Baracus profite de son séjour derrière les barreaux pour se refaire une conscience propre. Il ne tuera point et laisse ses cheveux pousser au gré de sa nouvelle sainteté. Crédible ? Presque, mais c’est sans compter sur le décidément trop horripilant Pike. Barracounet a le poil qui se hérisse, la moustache qui frise, et c’en est trop ! Un petit tour à moto, un soulevé-retourné-brisage de nuque bien placé, et revoilà le malabar de retour dans le crime. Il enlève son bonnet et son Iroquoise réapparaît. Une véritable renaissance.

Verbatim « On sous-estime toujours trop le fait d’en faire trop » Hannibal Smith