A chacun sa Roumanie

D’elle, on ne connaît que les putes, Hagi, Dracula ou les pickpockets de la ligne 13. Cette contrée qui ne fait pas rêver, mais que ce gros loukoum de Steven Seagal a décidé de dézinguer dans Rendez-vous en enfer, c’est la tendre Roumanie.
Celle qui se bat avec ses voisins hongrois, serbes, bulgares et moldaves pour gagner l’Eurovision. Celle qui a 2 médecins pour 1 000 habitants, qui voit 1 nouveau né sur 10 rester sur le carreau. Celle dont le flux migratoire est en recul, celle dont moins d’un quart de la population utilise internet. Celle, enfin, dont l’industrie chute de 10% chaque année.

Un paradis à ciel ouvert que l’office national de tourisme sanctifie :

« Imaginez des plages, des pistes de skis, une Chapelle Sixtine de l’Orient, un Arc de Triomphe, des montagnes, des plaines et des vallées magnifiques…vous êtes en Roumanie! Avec son Petit Paris, Bucarest, on redécouvre ce pays riche de culture, d’histoire, de légendes et de traditions; des villas dont l’architecture rappelle parfois le XIXème siècle. La chute du totalitarisme en Décembre 1989 a offert au peuple roumain une nation libre et démocratique. Joignant la tradition à l’innovation, l’Automobile, l’Informatique, le Commerce ou le Tourisme, l’Europe de l’Est développe son savoir-faire et la Roumanie sont excellence. »

Voilà pour la carte postale. Mais voyons si la brochure, menée tambour bedonnant par Steven, colle à la réalité.

« Imaginez des plages, des skis, une Chapelle Sixtine de l’Orient…. »
La belle affaire. On aura bien noté une petite porte de Brandebourg insérée entre deux gros plans sur Steven. Mais de là à parler de monuments.

« …des montagnes, des plaines, et des vallées magnifiques…Vous êtes en Roumanie ! …»
Ah, le côté nature, le grand air, les canards sur le lac….Mon cul ! La Roumanie de Steven, c’est avant tout un air de souffre, des caves humides et des appartements poussiéreux qui puent l’antimite. Concernant les montagnes et vallées magnifiques, en revanche, Rendez-vous en enfer nous gâte. Le stage du réalisateur chez DorcelTV aura au moins servi à ça.

«…Avec son Petit Paris, Bucarest… »
Rien à redire. Des trottoirs, des lampadaires, des rues, des bus, des parcs, des putes, des putes et des putes. Bucarest est bien le Paris des Carpates.

«…on redécouvre ce pays riche de culture, d’histoire, de légendes et de traditions….»
Pas faux. La plongée de Steven en enfer nous offre un joli panorama des us et coutumes du pays. Pour se dire bonjour, par exemple, il y a l’embarras du choix : on peut casser tout un tas de verres Ikea, bouger un pion de l’échiquier sur lequel joue seul votre ami depuis le mois de mai. Ou bien défoncer la porte, pointer son flingue sur son ami, violer sa femme en lui demandant de hurler devant son mari, puis buter les deux. Une coutume chaleureuse, qui restreint cependant rapidement le cercle social.

« …des villas dont l’architecture rappelle parfois le XIXème siècle…»
Pourquoi pas ? Après tout, comme diraient Bacon, Tony ou Butcher, le bâtiment, c’est bon que quand c’est démoli.

«…La chute du totalitarisme en Décembre 1989….»
Indéniable. Tous les bouquins spécialisés le disent.

«…a offert au peuple roumain une nation libre… »
Et comment ! Deux flics au total pour gérer l’ensemble de la population. L’un n’arrive pas à se taper une meuf. L’autre va devenir père et n’en dort plus. Une force d’élite.

«…et démocratique…»
Faux. Tout homme se planquant sous son lit à l’arrivée de la police, prenant en otage une femme nue et planquant dans sa poche un kilo de coke encourt le port obligatoire du costume et de la coiffure de Francis Lalane. Et dire que Staline est considéré comme un tyran.

«…Joignant la tradition à l’innovation…»
Un pays pourri, des trafiquants en cuir, des billets, de la poudre, une unité d’élite de la police, des morts et le gentil cop qui gagne. On est clairement davantage dans la tradition que dans l’innovation. Mais en fouillant un peu, on trouve tout de même un Russe émigré qui souhaite rentrer chez lui. Novateur.

«….l’automobile…»
Des Dacia partout, à faire froid dans le dos. Ca passe.

«…l’Informatique…»
Deux PC moisi, équipés de MS-DOS, dans les locaux de la PJ. Un juste retour aux sources.

«…le commerce ou le tourisme…»
Un kilo de poudre pure = 5.500 dollars = 3.770 euros = 15.737 Lie roumains. Un deal honnête.

«…l’Europe de l’Est développe son savoir-faire et la Roumanie son excellence.»
L’argument final, irréfutable et indéniable. La Roumanie est excellente. Et Steven a encore trop mangé.

Sous les applaudissements. Stev’ et son nouveau copain sont en planque dans un camion. Mais les essieux ne tiennent pas, car Stev’ est trop lourd. Donc les méchants voient Stev’ et s’approchent. Stev’ descend, le camion remonte. Stev’ n’est pas content. Stev’ file vingt baffes, castre un malchanceux. Stev’ est un peu moins pas content.

Verbatim : « Si tu veux être un bon flic, gardes toujours un œil sur le ballon » Steven, à un flic qui n’a vraiment rien compris.